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  Walter et Martinet

 

" Le futur des verbes se formait en latin classique en ajoutant au radical du verbe la désinence -bo, -bis, etc. Sur LAVARE " laver ", on formait LAVA-BO "je laverai ", LAVA-BIS " tu laveras ", etc. Ce type de formation a été abandonné dans toutes les langues romanes, qui ont innové en formant le futur de leurs verbes au moyen de l'infinitif suivi des formes conjuguées du verbe avoir : je laverai, tu laveras, etc.
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En ce qui concerne le sens. on a pu passer de la notion d'obligation, d'un acte qu'on a à faire, à la notion de futur. Ainsi, dans la vie courante, il arrive qu'on dise : " Qu'avez-vous à faire ce matin ?" dans le sens de " Que ferez-vous ce matin ? " "

Henriette Walter , " Le français dans tous les sens " p.72 73

 


" Un accompli, comme il a fini, présente une situation coïncidant dans le temps avec l'acte de communication. C'est, si l'on veut, un présent. Mais cette situation présente implique un procès qui s'est déroulé dans le passé. Un enfant dont on constate qu'il a fini sa soupe, peut tout ensemble être fier du résultat obtenu et très conscient du processus qui a abouti à ce résultat. Pourquoi n'utiliserait-il pas le même énoncé j'ai mangé ma soupe aussi bien en référence à un procès et à un résultat dans un laps de temps plus ancien que pour l'événement qui vient de se produire. S'il veut marquer la différence, il pourra très bien utiliser quelque spécificateur temporel comme hier. C'est, en fait, là où nous en sommes en français d'aujourd'hui. L'obsolescence de l'ancien passé je mangeai - lui-même dérivé du parfait latin, un accompli - a pavé la voie à une généralisation de la valeur passée qui est celle qui s' impose en premier pour la plupart des verbes, d'où le nom de " passé composé " pour désigner ces formes. Un processus analogue de passage de l'accompli au passé est attesté en slave et il est très vraisemblable en germanique. On voit par cet exemple comment peut apparaître un temps par interprétation nouvelle d'un aspect.
Une fois un passé établi, on conçoit assez bien que, par une sorte de symétrie, le besoin d'un futur se fasse sentir et qu'il puisse apparaître par divers chemins, fréquemment, en tout cas, par la généralisation voire le figement d'un syntagme : lauar(e)-(h)a(b)eo "j'ai à laver " > (Je) laverai, he will go " il veut aller " passant à he will go ou he'll go " il ira ", processus accompagné par le remplacement de will par un autre verbe de volonté. On rappellera ici que ce qu'on appelle le temps " présent " dans un système à modalités temporelles n'est en général que l'absence de temps comme l'atteste le " présent de narration " : Napoléon traverse les Alpes ou la référence à un fait futur dans Demain, je pars pour New York ".

 

Martinet , " Syntaxe générale " p.134

Petit commentaire explicatif :
Le futur simple était, à l'origine, ... un temps composé.
Martinet explique très agréablement comment ces changements se font. Comment une tournure dont on prend l'habitude peut devenir une forme grammaticale. Ca a lieu par glissement de sens dans les histoires qu'on raconte avec les mots qu'on a. Car; avec les mots qu'on a, on arrive toujours a dire ce qu'on a à dire.
Quand Martinet évoque " quelque spécificateur temporel comme hier ", il veut dire simplement que les gens qui parlent ont plus d'un tour dans leur sac (linguistique) pour exprimer ce qu'ils ont à dire. Ils ne sont pas forcément enchainés à la conjugaison pour préciser le temps. (Par exemple, je dis " en juillet " et je parle au présent. Et tout le monde comprend.)

 

 

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