<<< Sommaire

Polysémie homonymie

 

Qu'est-ce que cette silhouette évoque?  

Ca dépend du contexte
- si elle est rouge et près d'un passage piéton....
- si elle est sur une porte, dans un lieu public et proche d'une autre en jupe...

Pour les signes du langage, il en va de même (en beaucoup plus compliqué, évidemment). Il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour s'apercevoir que beaucoup de mots ont non seulement plusieurs nuances de sens, mais des sens très différents. Ainsi, avec les mêmes mots on peut exprimer des idées différentes. Car le monde est infiniment compliqué. On ne peut mémoriser pour en parler une infinité de signes linguistiques. Le langage fonctionne de telle façon qu'avec un nombre limité de règles de grammaire et suffisamment de mots, mais pas trop (Racine a tout écrit, parait-il, avec 4000 mots), on peut tout dire. Ce n'est que dans des domaines particuliers et entre spécialistes que les mots sont à sens unique (ainsi , en linguistique, un phonème n'est pas un son) ; mais des mots courants d'emploi général peuvent aussi être choisis sans confusion possible, dans des domaines très spécialisés où le sens qu'on leur donne échappe au sens commun (en physique quantique, la couleur ou le charme d'une particule n'ont absolument rien à voir avec leur poésie)

Pourquoi parler de ça ? Parce que ce n'est jamais une vilaine idée de vouloir corriger le langage d'autrui, ça peut lui être utile....
... C'est également, en temps de paix, la manière la plus efficace de le faire taire.

Nous illustrons par un exemple vécu tiré de la vie simple et tranquille du " peuple tout entier ".
Deux " jeunes " des " cités " (en voilà de musclés pour le grand jeu de l'ambigüité que ces deux mots-là du langage courant) avaient osé s'approcher d'un club nautique et même envisagé d'y adhérer. " Le moteur ne marche pas ? ", s'enquièrent-ils à propos d'une embarcation dans laquelle ils avaient très envie de faire un tour. Ils étaient supposés s'intéresser plutôt, et passionnément, aux régimes des vents sur le plan d'eau. L'éducateur du peuple de service estima donc qu'il convenait de les civiliser d'abord : " On ne dit pas " marche ", on dit " fonctionne. " ( Mais où a-t-il appris tout ça ?) - Faux, dit le Larousse de poche ; mais l'Ordre du Monde s'en fout, du moins provisoirement. La " correction " a rempli son rôle social : ils n'ont jamais plus remis les pieds sur ce ponton.
Il convient donc de savoir aussi comment " marchent " les mots pour sauvegarder le lien social.
1- Ils évoluent tous. Alain Rey nous explique ça chaque matin, sur France inter, service public.
2- Nombreux sont ceux qui deviennent polyvalents, polysémiques. Mille petits bricolages les rendent tels. Mais pas n'importe comment (" charme " et " couleur " sont des exemples excellents). Un mot ne peut produire des sens différents que si les contextes normaux d'utilisation empêchent les confusions. Ce réglage est d'une subtilité extrême. Personne ne peut en décider par décret .(C'est pourquoi les décisions de francisation forcée des notions échouent le plus souvent.)
On aboutit au même effet quand un phonème bat de l'aile parce que les circonstances ont fait qu'il avait moins de rendement. S'il meurt tout à fait, des mots deviennent homonymes. La cause est différente, la conséquence est identique. Si ça ne provoque pas la panique, on vit sans. Si nécessaire, on remplace un mot par-ci par-là .

Petit phonème discret

Que les mots puissent être ambigus n'est pas un signe de barbarie, mais au contraire de raffinement. Car on s'emmêle rarement, pour les raisons susdites. A moins qu'on fasse exprès de créer des confusions : suprême raffinement !
" Maman, les petits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ?
-Mais oui, mon gros bêta, s'ils n'en avaient pas, ils marcheraient pas. "

C'est comme pour le jeu d'awalé, grand jeu traditionnel d'Afrique : les règles sont simples et tout le monde peut jouer ; mais l'expert, quand il veut, peut entourlouper le petit débutant. Toutefois, il y a la manière. C'est éducatif si le jeu continue, si on n'élimine personne.
Dans le jeu plus moderne qui s'appelle le grand jeu du marché, c'est le consommateur libidineux qu'il faut entourlouper (C'est pourquoi, pour la liberté du langage, on préférera le marché capitaliste à l'école libératrice ; quand on a perdu tout espoir utopique, au moins avec lui on rigole.)
Rappelez-vous : "Babette , je la lie, je la fouette et parfois elle passe à la casserole. "
Raffinement....?
Pour nous faire pardonner cette...ambigüité, nous joignons quelques pages d'une excellente linguiste, excellente professeure de linguistique.

Yaguello                                  

SOMMAIRE